lundi 26 novembre 2012

John Lennon, une vie

Trente ans après sa mort, un véritable culte s’est développé. John Lennon qui proclamait que les Beatles étaient plus célèbres que Jésus-Christ. La marque de John Lennon sur le vingtième siècle est-elle indélébile?

Pour répondre à l’éternelle question de savoir qui est l’homme derrière la star assassinée, Philip Norman a remonté le temps. John Winston Lennon est né en plein Blitz pendant un raid de l’aviation allemande en 1940. Sur la base de témoignages inédits et de sources jusque-là ignorées, l’écrivain revoit ce gamin anonyme, écorché vif, mal embouché, qui deviendra le «working class hero» et le milliardaire le plus décomplexé de son temps.

De la fin des années cinquante à la fin des années soixante-dix, Philip Norman restitue l’esprit et l’énergie des quatre garçons dans le vent. L’histoire d’un mec qui était rarement de bonne humeur et jamais de bonne composition. Bien qu’elle ait participé à l’élaboration de ce livre, Yoko Ono n’en cautionne pas les propos. Tant mieux. De cette biographie sont exclus des écrits bénis et sanctifiés par la veuve de Lennon, cela évite la lecture affligeante d’une hagiographie lénifiante. L’auteur, bien qu’il y soit attaché, n’épargne pas les faces cachées de son sujet. De son vivant, l'homme se dévoila beaucoup devant les caméras et les photographes.

John Lennon, une vie de Philip Norman aux éditions Robert Laffont, 858 pages, 24,90 euros

dimanche 25 novembre 2012

Malheur aux Barbus - Signé Furax

Sous le slogan «Les temps sont durs! Vive le MOU!», l’humoriste Pierre Dac (1893-1975) fut le candidat du Mouvement Ondulatoire Unifié à l’élection présidentielle de 1966. Décoré de la croix de guerre, Légion d’honneur, médaillé de la Résistance, il renoncera à se présenter à la demande de l’Élysée pour ne pas se brouiller avec de Gaulle. En 1972, il inaugurera sa statue à Meulan en urinant dessus avec son complice Francis Blanche (1924-1974). Ensemble, ils avaient commis d'autres chefs-d’œuvre, dont Signé Furax.

Les éditions des Presses de la Cité ont eu la géniale idée de publier le texte intégral des 213 épisodes de la première saison d’une série mythique, diffusée du 15 octobre 1951 au 28 juin 1952, à 13h10 sur la chaîne parisienne de la RTF. Repris sur les ondes d’Europe 1, du 22 octobre 1956 au 29 juin 1960, Signé Furax a connu deux rediffusions. Un temps que les moins de soixante ans ignorent, la France entière se pliait de rire à l’écoute d’un pur délire. Les bandes magnétiques de Malheur aux barbus ont disparu. Ces scripts nous font redécouvrir un roman populaire d’aventure fantaisiste, relevé de calembours grivois, au suspense poétique.

Ce sont les aventures de deux détectives, Black et White, en lutte contre le maléfique Edmond Furax. Ce diabolique génie du crime revendique la disparition par dizaines des barbus de Paris. Mais dans quel but?

Malheur aux Barbus - Signé Furax de Pierre Dac et Francis Blanche aux éditions Presses de la Cité, collection omnibus 1.310 pages, 28 euros.

samedi 24 novembre 2012

Un homme de tempérament

À la lecture de cette biographie, le précurseur de la modernité scientifique, l’inventeur de la guerre des mondes apparaît comme un écrivain fécond, charmeur, amateur de flirts. Herbert George Wells (1866-1946) est le fils d’un jardinier, devenu boutiquier, et d’une ancienne domestique. Élevé dans la petite bourgeoisie, il comprendra son temps, gagnera fort bien sa vie dans le journalisme littéraire. D’une créativité foisonnante, ses ouvrages de science-fiction lui apporteront la gloire dès 1895.

À la fin des années trente, il critiquera l’Union soviétique et Staline, ce qui le fâchera avec la gauche, qui le portait aux nues comme un écrivain social.

Prolifique, il le fut aussi dans ses relations amoureuses. De son propre aveu, H. G. Wells était incapable, du fait de sa nature, de refuser les avances d’une femme.

L’écrivain David Lodge dépeint un homme aux goûts de géant, qui domina la littérature anglaise de la fin du XIXe siècle jusqu’à 1929.

Un homme de tempérament de David Lodge aux éditions Rivages, 720 pages, 24,50 euros.

vendredi 23 novembre 2012

Dolce vita 1959-1979

Depuis trente ans, Simonetta Greggio écrit en français. Redevable envers sa patrie, elle publie sa chronique de l’avant et de l’après des années de plomb. Une bonne histoire italienne sans une confession, cela n’existe pas. Un mystérieux prince Malo raconte à son prêtre ces années noires où se sont alliés l’État, le Vatican, la mafia et la franc-maçonnerie.

Emprunté au film de Federico Fellini, sa sortie en Italie commence l’histoire, le titre du roman célèbre la culture d’une nation. L’auteur y raconte cette organisation de la disparition des hommes politiques, du pouvoir démocratique au profit des groupes de pression. Les assassinats, les enlèvements, les attentats vont noyer l’opinion dans la seule vague des Brigades rouges. Le pouvoir de résistance à la loi deviendra très fort. À l’image du pays où le viol était jugé comme une atteinte à la morale et non comme un crime envers une personne. Les héros sont morts pendant les années de plomb.

Dolce vita 1959-1979 de Simonetta Greggio aux éditions Livre de Poche, 360 pages, 7,10 euros.

jeudi 22 novembre 2012

Marcinelle 1956

En Belgique, le 8 août 1956, dans les mines de charbon de Bois du Cazier, à Marcinelle, c’est le drame. Au changement d’équipe, un incident technique est provoqué par une mauvaise communication entre l’employé du fond de la mine et celui de la surface. Un chariot sortant du monte-charge va basculer dans le conduit de remontée en tranchant sur son passage les fils d’alimentation électrique, la conduite d’huile sous pression et le tube d’air comprimé. Un court-circuit déclenche le feu: 262 hommes meurent. L’émotion en Belgique et en Italie sera intense. L’entreprise du Bois du Cazier est stoppée dans sa course à la productivité. L’immigration italienne vers les bassins miniers belges est interrompue. Au procès l’acquittement est général pour les patrons. Lors de la procédure d’appel, seul le directeur des travaux sera condamné.

Quatre ans après la catastrophe de Marcinelle, Sergio Salma naît en Belgique dans les corons. Ces petites cités ouvrières faites de maisons modestes d’un tenant, séparées par des haies, des clôtures ou des potagers. Cet hommage prend forme autour d’une fiction. L’auteur a dessiné un roman graphique épuré à partir de témoignages et d’archives de l’époque. Cet après-guerre où le travail est une valeur absolue, la garantie d’une vie meilleure au sein de la communauté des travailleurs. Paradoxalement, les aspirations au bonheur individuel d’un jeune émigré vont lui sauver la vie.

Marcinelle 1956 de Sergio Salma aux éditions Casterman 254 pages, 17 euros.

mercredi 21 novembre 2012

Manchester Music City 1976-1996

Manchester Music City 1976-1996Vers la fin des années soixante-dix, John Robb s’établissait à Manchester. Avec bien d’autres, il avait choisi de résider dans un endroit où les chauffeurs de taxi honnêtes refusent de se rendre.

À la fin des années soixante, Manchester devient un désert. L’activité des hommes disparaît avec la fin de l’industrie. Oubliée de l’Administration, la ville abandonnée possède des milliers d’appartements vides. La nature va combler ce néant. Des gens vont s’y installer après avoir changé les serrures. En ce temps-là, les habitants de ces faubourgs pas du tout huppés estimaient que les huissiers expulsaient les locataires illicites au bout de vingt ans. D’où la ribambelle d’étudiants, d’artistes, de chômeurs, de drogués qui résidaient dans le plus grand squat d’Angleterre. En 1981, John Robb a vingt ans. Il a survécu au mouvement punk, tant sur la scène musicale que dans la presse underground. Chanteur du groupe les Menbranes, puis de Goldblade, il devient post-punk militant dans les émissions de télévision.

Les intervenants forment le récit. Ils se sont fréquentés, liés, fâchés, réconciliés pendant une vingtaine d’années. Que ce soit au sein de leurs groupes, dans la boîte de nuit l’Hacienda, ils ont contribué ensemble à l’élaboration du son musical de Manchester.

Dans un langage vif et très imagé, ce livre est un répertoire de la créativité artistique de ces années-là.

Manchester Music City 1976-1996 de John Robb aux éditions Rivages Rouge 615 pages, 11 euros.

lundi 19 novembre 2012

Feel like going home - legends du blues & pionniers du rock’n’roll

L’écrivain américain Peter Guralnick est né à Boston, célèbre pour son excellence culturelle. Depuis la disparition des pôles économiques liés au textile et aux ports, l’activité intellectuelle des universités, bibliothèques et les festivals, font vivre la région. Les sièges de la haute finance résident dans cette ville. L’auteur avoue qu’il a commencé à écrire sur la musique dès qu’il en a écouté. Les Bostoniens sont ainsi, ils se cultivent pour lire ensuite.

Publié en 1971 aux États-Unis, ce livre était inédit en France. Quarante ans après, cette lacune est comblée. L’ouvrage se compose de portraits en série rédigés en suivant une progression historique. Chaque musicien figurant dans cet ouvrage est un artiste majeur aux yeux de l’auteur. Il veut les montrer comme il a pu les rencontrer. En immersion dans leur mode d’expression lors d’entretiens privés, comme devant leur public. Toute la musique noire américaine tire ses racines de la campagne traditionnelle, avant d’évoluer en blues au contact des villes. Évidemment, la réalité de ces musiciens est étrangère à celle d’un universitaire blanc qui veut écrire sur eux. Un vrai bonheur de lire, entre les lignes, cet auteur qui a du mal à savoir dans quel état il va pouvoir repartir. Le rock’n’roll a tué le blues et il nous a délivrés du passé. Elvis l’a si bien chanté, avant de le ressusciter.

Feel like going home - legends du blues & pionniers du rock’n’roll de Peter Guralnick aux éditions Rivages Rouge 387 pages, 10 euros.

dimanche 18 novembre 2012

Au bord de l’eau

L’histoire relate les activités de bandits actifs dans les préfectures de Chuzhou et Haizhou sous le règne de l’empereur Huizong. Des textes officiels mentionnent les faits d’armes de Son Jiang et de ses 36 capitaines. Autour de la vie de ces marginaux la légende se bâtit, les transformant en héros du peuple. Son Jiang devient le héros des 108 du Mont Liang. Un chef qui impose le respect, bien qu’il ne soit ni un merveilleux combattant, ni un immense intellectuel.

Le roman fut rédigé après des siècles de transmission orale. La version de Shi Nai-an remonte au XIVe siècle. L'histoire s’est propagée dans toute l’Asie. Par le nombre de ses lecteurs ce récit est davantage lu que la Bible. Comme dans les romans populaires chinois, la présentation des personnages se fait en page de garde. Au bord de l’eau, c’est une place forte avec des personnages, dont «les 108». Ces derniers constituent une société secrète dissidente. Toutes les couches de la société y sont représentées, du forgeron au moine en passant par le lettré. En lutte contre l’oppresseur, ils recrutent des partisans. Ce livre fut jugé séditieux. Le pouvoir central y voyait un appel au soulèvement populaire.

Jean-David Morvan, directeur de la collection Ex-Libris, veut faire découvrir les grands textes fondateurs qui ont marqué les civilisations en les transformant en bandes dessinées. Pour cet album, l’illustre dessinateur Wang Peng a produit un sublime travail.

Au bord de l’eau de Morvan et Wang Peng aux éditions Delcourt 48 pages, 13,95 euros.

Zone de tir libre

Né Charles James Box, l’auteur pratique le mode de vie des personnages qu’il décrit, il est un intervenant du tourisme dans les Rocheuses. «L’homme en noir», comme est surnommé cet écrivain frimeur, a reçu tous les prix anglo-saxons du roman policier.

Voici la septième aventure du policier Joe Pickett dont la carrière a subi quelques aléas. Il est devenu un garde-chasse spécial au service du gouverneur du Wyoming. Le moment venu, il se plonge dans un bourbier juridique et politique. L’affaire se présente mal pour la loi et la justice. Dans le cadre idyllique d’une nature splendide, un sociopathe aligne les victimes. On peut supposer qu’un type qui ne se prend pas pour n’importe qui, fait n’importe quoi dans un secteur géographique où la justice n’existe pas. L’impunité est garantie dans cette enclave du Wyoming, où un vide pénal fait exister une zone de non-droit. De fait, un avocat connu commet le crime parfait en tuant quatre personnes dans la zone spécifique du parc de Yellowstone, se réjouissant de l'ambiance guerre des polices régnant au sein des forces l’ordre. Un vrai casse-tête à résoudre pour le nouveau garde champêtre.

Il convient de signaler aux amateurs de camping sauvage et de sensations fortes qu’après la publication et le succès de ce livre, la loi a été modifiée. Dorénavant, plus personne ne peut assassiner les gens dans ce parc naturel sans enfreindre la loi.

Zone de tir libre de C. J. Box éditions Points policier 477 pages, 7,90 euros.

Batchalo

Chez les Tziganes «batchalo drom» signifie bonne chance sur la route. Pour les gens du voyage la route n’est pas qu’un chemin, c’est leur vie. Avec la chance, tout avance mieux. L’action de ce roman graphique débute dans un village tchécoslovaque en février 1939, où deux enfants disparaissent. La cohabitation des villageois avec les romanichels du campement d’à côté pose déjà un problème, donc les coupables sont forcément les nouveaux arrivants, c’est l’émoi avant l’émeute. Pris à partie, les gens du voyage signalent la disparition de dix des leurs. Le père d’un des deux gamins manquants, Josef, est policier, il décide de leur faire confiance. En compagnie des romani, le gadjo va enquêter afin de retrouver la pistes des disparus. Cherchant inlassablement, ils finissent par comprendre l’horreur. L’armée des envahisseurs, pourvoyeuse de l’idéologie hitlérienne, a enlevé les enfants et les a déportés en Allemagne.

Intrépides, les parents franchissent la frontière, mais se retrouvent vite internés dans l’aberration du «Zigeunerlager», le camp tzigane de Birkenau. «Zigeuner» concerne les Tziganes. Himmler a promulgué leur extermination en décembre 1942.

Cette bande dessinée évoque le thème peu traité du «Porajmos». En langue romi, l’extermination des peuples gitans par les nazis. Bien documentés, les auteurs ont joint un dossier historique de huit pages en fin d’album.

Batchalo par Le Galli et Bétend aux éditions Delcourt 80 pages, 17,95 euros.