vendredi 26 avril 2013

Hôpital psychiatrique

Les confessions de deux petits vieux ouvrent le récit de cette fiction au mois de mai 2010. Louis et Louise sont tellement âgés qu’ils peuvent tout nous raconter. Les voilà qui décrivent l’hôpital psychiatrique, ils s’y sont rencontrés pendant la Seconde Guerre mondiale. Les malades mentaux et les soldats allemands se partageaient les bâtiments de l’asile. Tandis que les collaborateurs et les résistants se livraient à leurs activités dans les combles et les sous-sols. Le quotidien était fait de supplices qu’infligeaient les gardiens et d’expérimentations médicales sur les patients. Louis et Louise mettront au point un plan pour s’échapper de cette maison de fous.

Le psychologue clinicien Raymond Castells s’est d’abord livré à l’exercice de sa vocation de médecin, avant d’explorer un autre aspect de son métier relevant de l’histoire du XXe siècle. Dans ce livre il reconstitue la vie des internés et celle de leurs docteurs après la fin de la drôle de guerre. L’univers de l’hôpital psychiatrique pendant l’Occupation. Quarante mille internés mourront de faim pendant cette période, dans un endroit où des soldats allemands ont cohabité avec des internés, des collaborateurs et des résistants. Les personnages s’incarnent au fil des pages. Ces psychopathes, des internés qui peuvent être tellement gentils. La question est posée dans ce récit: qui vit le mieux l’enfermement, le malade ou le professionnel de santé?

Hôpital psychiatrique de Raymond Castells aux éditions Rivages/Noir, 595 pages, 10,65 euros

jeudi 25 avril 2013

Le casse

Voici le troisième album des aventures de Parker mis en images par Darwyn Cooke, Richard Stark étant le pseudonyme que le génial et regretté Donald Westlake réservait à la relation des aventures de l’antisocial Richard Stark. Cet homme n’est qu’une machine dotée d’un rigoureux code professionnel appliqué au crime. Son exceptionnelle intelligence ne lui sert qu’à exploiter les faiblesses des règles mises au point par ses contemporains. Quels que soient les individus, mâles ou femelles, quel que soit le système qui les protège, ce que Stark veut, il le possédera. Le sexe est un outil de travail qui apporte des solutions aux problèmes que peut poser l’autre sexe.

Dépourvu d’amis, Richard Stark ne fréquente que des gens loyaux à son esprit supérieur. Pour réaliser son dernier mauvais coup, il doit considérer l’idée de s’associer avec douze salopards. Cela fait beaucoup. Mais il n’y a jamais trop d’individus à manipuler quand on a toute la nuit pour dévaliser une ville. En revanche, une affaire avec un amateur qui veut sa revanche peut s’avérer pénible. La résolution de ce problème arrivera toute seule. Parker épargne les êtres lorsqu’il n’a aucun intérêt à leur nuire. La compassion, l’empathie, ce n’est pas son style. Comme il côtoie des personnages rocambolesques, sa froide logique en devient rassurante. Nuire à ceux qu’il désigne comme ses ennemis emporte toujours la décision de Richard Parker.

Le casse de Richard Stark et Darwyn Cooke aux éditions Dargaud, 138 pages, 19,99 euros

lundi 15 avril 2013

Orange Crush

Romancier né en 1961, Tim Dorsey est publié depuis 1999 aux États-Unis. Âgé d’un an à son arrivée en Floride, il devient journaliste attaché à la cour de justice, puis au service politique du Tallahassee tribune. De son expérience professionnelle, il tire sa substance littéraire. Les titres de ses livres reprennent le style «floridien» lancé par un autre écrivain prolifique du Sud: John MacDonald.

À l’instar de son illustre aîné, ses récits sont des fictions qui émettent surtout des critiques à l’encontre de la société contemporaine américaine. L’argent n’est employé qu’à corrompre les politiciens, pour ruiner tout espoir en la démocratie. Le racisme est un mal endémique, inhérent à la société américaine après la guerre de Sécession. La publicité, omniprésente, vend tout parce que l’image prime sur tout.

Le présent opus, paru en 2001 aux États-Unis, a la particularité de ne pas mettre en scène son habituel personnage, Serge Storms, névrosé, obnubilé par l’ordre moral et la justice. Dans ce récit surréaliste, un fils à papa doit reprendre le flambeau familial pour être élu gouverneur de la Floride. Un siège rendu vacant par le décès de l’occupant lors d’un accident d’avion. La prise de drogue, d’alcool et les prostituées ayant affaibli les sens du pilote pendant le vol. Mais ce jeune bourgeois se montre négligent et se retrouve réserviste dans les Balkans. La première surprise passée, il en revient très changé. La rédemption et l’argent ne font jamais bon ménage.

Orange Crush de Tim Dorsey aux éditions Rivages/Noir, 441 pages, 9,65 euros.

jeudi 4 avril 2013

Plogoff

Bretonne native de Quimper, Delphine Lelay s’est tournée vers la bande dessinée en rencontrant Alexis Horellou. Naturellement ils ont évoqué leurs souvenirs, d’où ce roman dessiné relatant des événements de notre histoire sociale.

En 1975, un accord de principe est conclu entre les conseils généraux de Bretagne et le Conseil économique et social. Une centrale nucléaire sera installée en bordure de la baie d’Audierne. Au mois de septembre 1978, la population manifeste son opposition à ce projet venu de Paris. Le 29 novembre 1978, le conseil général du Finistère vote, par 28 voix contre 172, l’implantation d’une centrale nucléaire sur la commune de Plogoff, dans l’ouest de la Bretagne. Un site proche de la pointe du Raz. Une enquête d’utilité publique est décrétée. Le 30 janvier 1980, les dossiers administratifs réceptionnés le matin à la mairie de Plogoff sont brûlés l’après-midi par les habitants. Les autorités décident d’assurer leur mission en transformant des camionnettes en mairies annexes. Des manifestations violentes vont avoir lieu entre les habitants et ceux soutenant le projet. Les forces militaires sont appelées en renfort afin de maintenir la paix publique. Plogoff fait la une de l’actualité du journal télévisé. Lors de la clôture de l’enquête, le 16 mars 1980, 50.000 personnes manifestent, et ce sont plus de 100.000 manifestants, qui viennent fêter la fin de cette procédure le 24 mai 1980. Le 10 mai 1981, le gouvernement prononce l’abandon du projet.

Plogoff de Lelay - Horellou, aux éditions Delcourt, 192 pages, 14,95 euros

mardi 2 avril 2013

Les profiteurs

En Suède, Leif G.W. Persson est un criminologiste renommé qui a travaillé sur les crimes les plus notables de l’histoire de son pays, dont l’assassinat du Premier ministre Olaf Palme. Pour le public nordique Persson incarne un mix entre Honoré de Balzac et James Ellroy, le climat polaire et l’aquavit autorisant tous les mélanges.

Paru en 1979, ce livre sort pour la première fois en français. Chronologiquement, c’est le second volet des enquêtes de Lars Martin Johansson et ses équipiers.

Comme à son habitude, l’écrivain dissèque une société qui se fissure, tout en explorant les méthodes d’une police toujours à la limite. Afin d’étayer son point de vue, il s’est entretenu avec des enquêteurs sur des affaires criminelles des années soixante-dix. Au sein de la société suédoise, les personnes responsables qui devraient être incriminées ne sont jamais évoquées. Lors des procès les criminels passent en jugement, mais l’enchaînement des circonstances leur ayant permis de commettre leurs actes n’est jamais porté à la connaissance du public. Les accointances, les profits ne sont jamais pris à partie dans ce simulacre de justice. En Suède, la manipulation de l’information est là pour masquer des tractations douteuses qui servent les intérêts des officines du pouvoir. C’est ainsi que la forme est toujours jugée, mais jamais le fond.

Les profiteurs de Leif G.W. Persson aux éditions Rivages/Thriller 328 pages, 22 euros

Mad Dogs

James Grady fut un journaliste de l’ère qui suivit le scandale du Watergate. Marié à une  femme détective privé, devenue adjointe au Sénat, l’auteur avait 24 ans lorsqu’il a signé le scénario du film Les six jours du Condor.

Le présent ouvrage explore le désenchantement d’une Amérique qui fut triomphante.

Cinq anciens agents de la CIA vivent dans un centre top secret géré par le gouvernement. Quatre hommes et une femme qui ont fait partie des meilleurs guerriers de l’Amérique. À ce titre, leur boulot les a rendus totalement cinglés, donc ces soldats de l’ombre ont gagné le droit d’être gardés au secret dans une base enfouie de l’État du Maine.

Ils sont gavés de médicaments mais ils suivent une thérapie moderne quotidienne. Problème: ils retrouvent leur psychiatre assassiné après leur dernière séance de thérapie de groupe. Rendus enragés, les internés font le mur, bien décidés à infiltrer le monde étrange des gens normaux vivant aux États-Unis. Leur projet inclut leur déplacement au centre décisionnel de leur administration, soit Washington DC, afin de demander des comptes. En effet, comment dans un centre ultramoderne d’une zone sécurisée un médecin de l’État peut-il être supprimé?

Or ce n’est pas l’un des cinq déséquilibrés entraînés à tuer qui a commis ce meurtre, ils recherchent donc l’assassin pour s’éviter la dernière piqûre. Pour ces héros fatigués, le défi va être de se fondre dans la masse. Pourront-ils faire confiance à leur sens de la perception?

Mad Dogs de James Grady, Rivages/Noir, 441 pages, 9,65 euros.